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La salle dédiée à la mémoire de van de Velde se trouve dans le bâtiment administratif de Dom Pomocy Społecznej ( la maison des soins)
   
 
Les idées esthétiques de van de Velde - Analyse de fond
 
Grâce à William Morris (1843 - 1896) les habitations de la classe moyenne sont redevenues l’objet digne de la pensée de l’architecte. Les espaces intérieurs et le mobilier le complétant, à partir d’une chaise jusqu’à un miroir méritent qu’on leur consacre l’imagination artistique. Ce qui nous paraît aujourd’hui naturel, il y a plus de 100 ans, et plus précisement du temps de la renaissance, n’était pas du tout évident. Il n’y avait pas beaucoup d’artistes raisonnant comme l’anglais Morris. Au nombre de ce groupe on peut quand même aisement compter Henry van de Velde. À vrai dire il était plus jeune que l’anglais au moins d’une génération, mais c’est justement cette différence d’âge qui a permis à van de Velde de devenir un vrai pionnier du modernisme qui dès le début a pris parti pour la défense de l’art fait à partir d’une machine et non à l’aide de la main. Il faut ajouter que l’attitude à l’égard de la machine a divisé à cette époque-là tous les milieux artistiques dans plusieurs centres européens.

Van de Velde ne connaissait pas Morris. Malgré cela les idées esthétiques professées par le belge ont tiré certainement leur origine grâce à l’inspiration de l’anglais. Les historiens de l’art ne fût- ce que Nikolaus Pevsner et même van de Velde lui-même le signalent . Il convient de citer la déclaration suivante, inscrite dans le premier volume de ses ouvrages publiés à Berlin en 1901 : « le grain qui a fécondé nos esprits a influencé d’une façon provocante notre activité et a débuté le renouveau total de l’ornementation et de la forme dans les arts décoratifs et a été sans doute cultivé avec l’aide et grâce à l’influence de Hojn Ruskin et Willam Morris ». Nous pouvons donc admettre que van de Velde ainsi que Morris, soucieux du sort de l’art, ne voulait pas la création de l’art pour quelques rares personnes, il voulait démocratiser l’accès à l’art et il voulait le partager avec tout le monde. Ces idées et ces pensées étaient le fruit du premier amour artistique non-accompli du belge pour la peinture néo-impressionnisme. Sa caractéristique élitiste et un public relativement limité ont découragé définitivement l’artiste de la peinture. En réalité il voulait faire une activité dont les résultats seraient accessibles non seulement à quelques connaisseurs mais au plus de monde possible. On peut supposer qu’à un moment de découragement personnel il a découvert les oeuvres de Morris et de son groupe. Elles démontraient d’une façon claire et nette la nécessité de garder le travail de l’artiste en contact avec la vie quotidienne. Et en même temps elles effaçaient le modèle de l’activité artistique du XIXe siècle s’exprimant par la peinture de chevalet. À la place des beaux arts elles proposent les arts appliqués. Je suppose que ces propres motifs et prémisses ainsi que l’ouverture innée et le besoin de parler ont posé le fondement de l’orientation vers le design industriel et l’architecture qui garantissaient des possibilités beaucoup plus grandes de réalisations personnelles et de dialogue social. C’est une suggestion identique qu’exprime Pevsner dans son excellent ouvrage sur les pionniers de la contemporaneité. La situation décrite ci-dessus eu lieu quand Henry van de Velde avait trente ans.

Dans les années quatre-vingt-dix du XXe siècle les tendances prêtant l’attention au besoin principal du renouveau des formes d’architectures et le rafraîchissement de l’art étaient assez générales. On a éprouvé un grand besoin de lutter avec l’éclectisme dominant. C’est justement Henry van de Velde qui a publié en 1894 l’une des premières opinions sous le titre significatif « Déblaiement d’Art ». Il y est clairement demandé au sens propre et figuré le rejet des ornements inutiles et il a postulé aussi l’introduction d’une pure structure qui serait capable d’exprimer les états d’âme de l’homme tels que : la tristesse, la joie mais aussi l’impression de sécurité. Le texte comprenait aussi la foi dans la machine comme la source de réalisations d’une nouvelle sorte de beauté.

Deux ans plutôt en 1892 à Bruxelles fut ouvert une exposition qui reflétait les nouvelles tendances dans l’art. L’exposition à laquelle a aussi participé van de Velde, démontra que tout le groupe d’architectes qui y prenait part, viserait à simplifier aussi bien le détail architectonique que toutes les formes présentes dans les architectures d’intérieurs et les formes extérieures du bâtiment. Elles concernaient pourtant la réduction de la richesse d’ornements et non le dépouillement de l’architecture du détail architectonique. Cette tendance est exprimée clairement dans Folkwang Musée à la Haye conçu par van de Velde en 1901. En écrivant, après des années, sur des participants de cette exposition, van de Velde trouve pour définir leur style un seul mot et il formule sa pensée comme suit : Les oeuvres des quatre étaient jugées et décrites en commun par un trait caractéristique identique à tous « une nouveauté ». N’oublions pas que l’Art nouveau était l’une des désignations généralement adoptée pour ce style Les simplifications très nobles que van de Velde employait dans ses projets étaient similaires.

Vers 1895 le nouveau style, il s’agit bien sur de l’Art nouveau, a conquis toutes les disciplines de l’art de l’architecture à travers la peinture et la sculpture à l’imprimerie, les bijoux, les meubles et les vêtements. Depuis longtemps aucun essai commun ne fut réalisé pour créer un style uniforme qui se traduirait dans la coopération réussie des artistes de diverses spécialités. En même temps plusieurs d’entre eux ne se concentraient pas exclusivement sur la discipline d’expression choisie mais pratiquaient avec succès non seulement des spécialités proches comme la peinture et l’art graphique mais aussi des disciplines en apparence éloignées comme l’architecture et l’ébénisterie.

Van de Velde était aussi l’un de ces artistes sensibles en tous points de vue à l’esprit de l’époque nouvelle. Il y a quand même une opinion qui le fait percevoir avant tout comme un réformateur de l’artisanat d’art et de l’architecture d’intérieurs. C’est une opinion d’autant injuste qu’elle ne prend pas en considération l’apport important de l’artiste dans le développement des formes architectoniques surtout dans la période précedant le déclenchement de la première guerre mondiale. Il faut quand même honnêtement ajouter que la primauté d’architecture d’intérieurs a pu résulter du fait que les artistes de l’Art nouveau pour la première fois depuis plusieurs dizaines d’années ont soulevé le problème de la composition artistique des intérieurs. Ce fait justement a imposé à tout le monde de regarder leurs initiatives d’une façon tout à fait exceptionnelle et a pour conséquences que beaucoup de réalisations dans ce domaine étaient un événement. Il en est de même avec les oeuvres de van de Velde.

Dans la perspective de nos jours, on voit parfaitemnt que l’Art nouveau était avant tout la marque de la peur devant l’industrialisation de la vie et le reflet de la protestation des artistes contre l’expansion de la technique. Le culte et la réhabilitation de l’artisanat étaient le symptôme du rejet des formes industrielles et l’individualisme radical un moyen de résistance contre une unification imposée. C’est lui pourtant qui a ouvert un passage à l’esthétique nouvelle et a montré le sens social de l’architecture. C’était un style plein de contradictions intérieures. Il voulait souvent partir du rationalisme de la technique contemporaine mais il se dirigeait fréquemment vers un monde de contes de fées et de fantastique romantique. On dit que l’Art nouveau était le courant le plus court dans l’histoire de l’art européen. Certains disent même qu’il était le synonime du mauvais goût. Une autre opinion prétend que l’Art nouveau à vrai dire n’a jamais décliné. Il s’est transformé uniquement avec les changements techniques de l’époque en formes conformes à leurs temps. À cette perception des faits sont favorables l’oeuvre et la pensée esthétique de Henry van de Velde. Au fond ses conceptions ont été niées, peut-etre avec le temps elles ont commencé à se développer à côté du courant principal, mais elles ont aussi trouvé des continuateurs remarquables en personnes de l’allemand Erich Mendelshon et du hollandais Michael Klerk.

Dans le développement de la pensée esthétique du belge éminent on peut distinguer clairement deux périodes : celle de l’Art nouveau et la période fonctionnelle c’est -à –dire du modernisme. Parmi les artistes de sa génération l’architecte belge représentait sans aucun doute les idées de son époque. Comme créateur pourtant, il y appartenait seulement en partie parce qu’à cause de son oeuvre ultérieure il faut le mettre au nombre des représentants du mouvement moderne du début du XXe siècle. Il paraît que la réalisation de Trzebiechów se situe au croisement de ces deux tendances. En gardant certains accents de l’Art Nouveau elle se dirige décidément vers le fonctionnalisme et annonce les solutions purement modernistes ultérieures.

Sa propre nouvelle doctrine sur la beauté incluse dans les machines soulignant « le mouvement puissant de leurs bras de fer » indique sur le besoin de l’accord de la forme avec la nature du matériel utilisé. Van de Velde croyait qu’à l’aide des machines on pourrait créer une nouvelle beauté si elle était auprès du constructeur commandant une machine. Très caractéristique et exprimant l’esprit du temps est le recours au monde de la technique et l’utilisations des définitions qui lui sont spécifiques. Le deuxième volume de conférences publié en 1903 comprend les formulations suivantes : « Les ingénieurs sont à la porte du nouveau style » et « les ingénieurs sont les architectes de la journée d’aujourd’hui » La fonctionnalité des pièces et des meubles était l’un des traits sur lequel l’artiste a insisté le plus . La simplification de l’ornement a dû conduire à l’exposition de la fonction et de cette fonction on a dû ressortir la forme. Ainsi il écrit « il nous faut une structure logique des objets, la logique sans compromis, la logique dans l’utilisation du matériel plein de sincérité et de fièrté de démontrer les processus de création ». Ce qui est digne de souligner c’est que malgré l’appel au monde de la technique et l’utilisation du mot ingénieur, employé dans les sens métaphorique, comme créateur plutôt et non mécanicien, ne privait pas l’artiste d’un droit de l’orginalité et à l’imagination ce qui allait apparaître quelques années plus tard dans un différend célèbre avec Muthesius. Pour l’instant au seuil du XXe siècle il a prédit un bel avenir pour : fer, acier aluminium, mais aussi linoléum, celluloid et ciment. Par contre à l’égard des meubles et autres installations ménagères il soulignait avec détermination la nécessité de retourner à une tendance depuis longtemps délaissée de « coloris vifs, forts et clairs aux formes robustes et une construction raisonnable ». En plus il préconisait les avantages des nouveaux meubles anglais pour la suppression systématique de la décoration ».

Revenons pourtant à Hetman Muthesius, un personnage très important pour le modernisme allemand et européen dont la devise : « l’utilité de la forme et sa compatibilité avec le caractère du matériel » permettait de retrouver la beauté dans les formes simplifiées et servit de base aux nouvelles tendances dans l’architecture de la fin du XXe siècle. C’est facile à remarquer que la pensée citée de Muthesius se recoupe presque parfaitement avec les formulations de van de Velde. Ce qui les a divisés d’une façon dramatique c’est la sphère des possibilités créatives réservées pour l’artiste. Cela a éte exprimé dans le différend bien connu qui a eu lieu à Cologne en 1914 pendant une réunion de Deutscher Werkbund.

À la réunion mentionnée plus haut Muthesuis s’est présenté comme partisan de la standardisation et van de Velde comme celui de l’individualisme. Muthesius essaya de convaincre que « L’architecture et toute la sphère de l’activité de Werkbund vont dans la direction de la standarisation. Grâce seulement à la standarisation elles peuvent regagner l’estime général dont elles jouissaient dans les époques du développemnt harmonieux de la civilisation. Par la standarisation seulement (...) en tant que la concentration des forces salutaires, on peut créer un sentiment du goût généralement apprécié et infaillible ». Van de Velde désespéré a repondu « Aussi longtemps que les artistes existeront à Werkbund (...) ils protesteront contre tous les canons proposés et contre toute la standarisation. L’artiste est au fond des choses un individualiste plein de passion, un créateur spontané. Il ne se soumettra jamais de bon gré et sans contrainte à une discipline le forçant aux normes et aux canons ». Je cite ici les idées de deux artistes d’après le livre de Pevsner. Ce différend s’est avéré très important et a eu un grand retentissement . Les auteurs de tous les livres sur l’architecture contemporaine y font référence.

Rappelons nous qu’au temps de ce différend Henry van de Velde était directeur de l’Académie d’Art de Weimer dont les professeurs avec leur chef en tête considéraient que l’élaboration d’un projet est un procédé individuel et qu’ il ne faut pas forcer l’artiste à se plier à des règles strictes. Cet attachement à l’individualisme accompagne van de Velde jusqu’ à la fin de son activité créative et pédagogique. Ses étudiants devaient créer de nouvelles formes en suivant leur intuition et non en imitant les solutions traditionnelles.

La même année de 1914 van de Velde renonce à sa fonction de directeur de l’école (les motifs de cette décision n’étaient pas de nature artistique il s’agissait du nationalisme croissant en Allemagne) et il propose à sa place trois successeurs. Parmi eux Walter Gropius qui a pris un poste vaquant. Van de Velde est parti mais le nouveau style a eu le temps de naître. Le style du XXe siècle a pris naissance avant 1914 et l’artiste belge y a sa part. C’est une opinion de plusieurs critiques. Après il s’est seulement vulgarisé et est passé en force de chose jugée grâce à l’activité de Bauhaus qu’en 1919 après la fusion avec L’Académie de Beaux Arts et l’Académie de l’Art était encore dirigé par Gropius.

C’est surprenant pourquoi contre des faits évidents, nous sommes disposés à lier Henry van de Velde plus avec l’histoire de Bauhaus qui est vite devenu un synonyme du centre d’initiative créative le plus important en Europe qu’avec ses réalisations en l’Art nouveau. Il apparaît quand même que de telles opinions ne sont pas sans fondement. Les conceptions de Gropius postulant la synthèse des arts sous l’égide de l’architecture étaient dans un certain degré la continuation des tendances de l’Art nouveau et particulièrement de cette option que van de Velde représentait et pour laquelle il luttait. La transmission de la direction de l’école n’était donc pas fortuite mais symbolique.

Van de Velde a dû voir en lui son continuateur le plus doué . La prise de conscience de ces relations était d’ailleurs réciproque. Gropius interrogé sur sa genèse artistique a constaté : « que de tous les architectes de la génération précédente ce sont Louis Sullivan, Frank Llooyd Wright, Henry van de Velde et Peter Behers qui ont exercé la plus grande influence sur lui ». Cette déclaration est très significative, ne l’oublions pas. Rappellons- nous encore une opinion c’est l’opinion de Peter Mayer l’auteur de « l’Histoire de l’art européen » il reconnaît van de Velde pour le plus remarquable représentant de l’architecture de l’Art nouveau à la base duquel il a créé sa propre variante du fonctionnalisme.

Henry van de Velde était certainement l’un des créateurs le plus conscient du détour des âges. C’était un théoricien et un praticien, une personne sensible, ouverte et douée. Ses opinions théoriques comprennent jusquà présent des idées intéressantes et d’une justesse frappante même à la perspective des 100 ans qui se sont écoulés depuis leurs naissances. Au temps de l’invasion totale de la culture de masse sa voix revendiquant le subjectivisme, l’intuition et l’individualité retentit comme un avertissement, comme un memento. Elle est de part en part moderne.

Wojciech Śmigielski
Université Zielona Góra / Pologne

   
   
 
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